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En septembre 1944, les maquis du Centre de la France enregistrèrent l'un des principaux succès des Forces françaises de l'Intérieur (FFI) : la reddition des 20 000 hommes du général Elster, qui formaient le dernier gros contingent allemand en retraite au sud de la Loire. Si cet épisode est connu, le parcours de certains de ses protagonistes l'est moins. Tel est le cas des colonels Raymond Chomel (1897-1989) et René Bertrand (1895-1966), de l'Organisation de Résistance de l'Armée (ORA), à l'origine des deux actes de reddition signés par le général Elster, les 10 et 11 septembre 1944, dans l'Indre et le Cher. Bien peu a été écrit à leur sujet, en dehors de quelques ouvrages déjà datés sur l'ORA 1. Encore faut-il relever des mentions erronées à l'image de celles du Dictionnaire historique de la Résistance, paru en 2006, qui désigna René Bertrand comme un « ancien du Premier régiment de France [...] affecté à la garde du maréchal Pétain 2 », par une confusion manifeste avec le 1 er régiment d'infanterie (RI) qu'il commanda au sein de l'armée d'armistice. La reddition de la colonne Elster fut le point d'orgue du parcours maquisard des deux colonels. Il ne marqua cependant pas la fin de leur action, bien au contraire. Dès la mi-septembre 1944, ils cherchèrent à transformer leurs groupements en amorces de nouvelles divisions d'infanterie devant s'intégrer à l'armée régulière. S'ils ne furent pas les seuls à tenter l'expérience ils figurent parmi les rares à être passés de l'idée aux actes. Ce faisant, leurs deux brigades servirent de noyaux fondateurs pour deux des huit divisions d'infanterie recréées par le gouvernement du général de Gaulle en métropole, entre l'automne 1944 et le mois de mai 1945 3. Ce résultat est d'autant plus notable qu'il fut préparé de façon autonome, sans consigne nationale de l'ORA et hors du giron de la 1 re armée du général de Lattre de Tassigny. L'amalgame pratiqué au sein de celle-ci a focalisé l'historiographie sur l'intégration des FFI dans l'armée régulière. Il ne concerna pourtant que 130 000 FFI parmi les 400 000 restés sous les drapeaux durant l'automne 1944. La majorité connut d'autres voies, dont celle expérimentée par les colonels Chomel et Bertrand. La transition de leurs brigades vers l'armée régulière, menée entre le Berry, le Val de Loire et les fronts de l'Atlantique, ne fut pas un processus acquis d'emblée. Il leur fallut convaincre tant leurs pairs que les autorités supérieures, dans un environnement politique et militaire mouvant. Leurs projets présentèrent des similitudes indéniables. Ils appréhendèrent cependant différemment la place de l'ORA au sein des FFI. En restituant la genèse des groupements des colonels Chomel et Bertrand, puis leur transition vers l'armée régulière, cet article met en lumière deux expériences singulières et une perception du rôle de l'ORA qui ne fut pas monolithique.