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« Sujet féminin », deux mots dont l’association ne relève pas de l’évidence à la charnière du XIXe et du XXe siècle, qui plus est dans le champ littéraire russe (époque dite de « l’Âge d’argent »). L’exemple de Lidia Zinovieva-Annibal éclaire deux facettes de cette thématique, la première révèle les chemins escarpés qu’elle a empruntés pour s’imposer comme écrivain dans la société de son époque, et la seconde que nous développerons ici, montre comment à travers son œuvre l’auteure dessine une vision originale du sujet féminin. Zinovieva-Annibal renverse les représentations habituelles diffusées par la tradition et réélaborées par ses contemporains symbolistes, où la femme représente un idéal de pureté désincarné ou bien à l’inverse un corps débordant de sexualité, abime de perdition pour l’artiste-créateur, sauf à l’utiliser comme étincelle éphémère. Les personnages que crée Zinovieva-Annibal, notamment dans son texte le plus innovant consacré à des temps forts de l’enfance, Bestiaire tragique, renversent le propos et prennent appui sur le corps et les élans amoureux pour se constituer en sujet, reconnaître la force des désirs et l’utiliser pour s’affranchir des modèles collectifs et du conditionnement instillé par l’éducation. Ce sujet universel, qui a toutes les caractéristiques de « l’identité moderne » analysée par Charles Taylor, est néanmoins féminin car issu du regard sur soi d’une femme qui met à jour le pouvoir des discours qui catégorisent les femmes et les privent de parole. Les commentateurs contemporains considèrent d’ailleurs Zinovieva-Annibal comme féministe, bien qu’elle n’ait pas directement contribué au mouvement d’émancipation des femmes en développement à son époque.